jeudi 8 décembre 2016

Le Reflux (Paul Gégauff, 1962)



Né en 1922 et mort assassiné en 1983 (poignardé par sa petite amie), Paul Gégauff fut le scénariste le plus prolifique de la « nouvelle vague » française (avec Rohmer, Schroeder, Valère et surtout Chabrol (15 films)), une personnalité littéraire de la Rive gauche (quatre romans aux Éditions de Minuit), une figure « complexe » : en fait un fêtard invétéré, séducteur et alcoolique, proche de l'extrême-droite. Véritable « mauvaise conscience » de la nouvelle vague, son travail se caractérise alors par une vision cynique des rapports humains et une fascination pour les jeux de masques1. L'ambiguïté de ses personnages se confond avec sa propre vie : son dandysme revendiqué et son goût pour la provocation vont de pair avec ses états d'âmes suicidaires, en plus de faire régulièrement scandale.

C'est peut-être pour échapper à cette situation (échapper à lui-même) que Gégauff part à Tahiti en 1962 avec l'idée d'adapter Le Reflux (The Ebb-Tide) de Stevenson. Gégauff parvient mystérieusement à convaincre plusieurs producteurs (il n'a pas les droits de l'ouvrage de Stevenson et, de fait, le film ne sortira jamais) et s'installe dans la maison même où logeait Stevenson lors de ses séjours en Polynésie. Catherine Deneuve, juste arrivée, tombe malade et renonce au tournage (une certaine Nathalie Tehahe la remplacera). Il apparaît très vite que Gégauff préfère la boisson et la pêche aux questions techniques, et l'on doit apparemment la majeure partie du film à Jacques Poitrenaud, son assistant (pour d'autres raisons que l'on peut imaginer, Le Reflux n'est pas avare en faux raccords). 


Le Reflux est un film sans prétention, réalisé par Gégauff avec sans doute l'idée de couler, disparaître au sein de l’œuvre de Stevenson (le film s'appellera un tant Le Trésor de Takaroa, une façon aussi de se fondre au sein de la mythologie coloniale et le film de série B). Les anti-héros du Reflux (Michel Subor, Serge Marquand, Franco Fabrizi) sont trois hommes qui s'entredétestent, tous trois échoués pour des raisons mystérieuses à Tahiti, mais qui décident de collaborer pour d'abord survivre (Fabrizi va un temps mendier, faire le zouave devant les locaux), ensuite quitter cet enfer paradisiaque. Les trois voyous sont chargés de transporter une cargaison de champagne volée, cargaison qui s'avère vite n'être que de l'eau. A cela s'ajoute le spectre du typhus qui a emporté l’ensemble de l'équipage précédent. Si Gégauff n'est pas Robson (Mark), subsiste toutefois le personnage de Subor qui tente de maintenir son cap éthique, quitte à se dissocier du reste de l'équipage. Ce qui lui permettra d'avoir la vie sauve à la fin du film. Les compères déjà séparés se livrent à un constant jeu de pouvoir : si Fabrizi se veut un temps autoritaire, capitaine du navire (il serait le seul rescapé du naufrage de son bateau précédent...), il cède vite face à la tentation de l'alcool. Dans son délire, il jette par dessus-bord les vivres qui lui sont servis, ainsi que les couverts, l'assiette, les bouteilles... ! Au même moment, c'est l'équipage polynésien qui se jette littéralement à l'eau pour fuir l'enclos à ciel ouvert crée par les trois hommes. 


Au plus fort de leur délire, ils accostent sur une minuscule île « gouvernée » par un marchand de perle : Roger Vadim, qui reste le personnage le plus intéressant du Reflux. Ange des mers lointaines – il invite les voyous à festoyer, se veut le garant d'un certain code moral – ses habits d'une extrême blancheur ne trompent personne. En étalant sous le regard des âmes éperdues une pleine poignée de perles, il ne fait que jouer avec leurs nerfs, tout en les maintenant à distance, du bout de sa carabine. Il poussera à bout Serge Marquand qui, alors qu'il jurera être redevenu un homme bon, cachera en fait dans sa main une fiole d'acide. La fiole lui explosera au visage, figeant sur le visage du cadavre un rictus à même de dévoiler le fond de son âme. C'est cette dernière partie, entre rage et abandon (Subor vit une romance dans les sables pendant que Fabrizi et Marquand sont confinés à bord du navire contaminé), qui certainement porte le plus la patte de Gégauff réalisateur : haïr sa propre lâcheté, mais haïr aussi les faux habits de la morale.

En plus du problème de droits, le dilettantisme relatif de Gégauff est probablement à l'origine de la non-sortie du film. Un film en tout cas à son image. En 1975, Paul Gégauff jouera le naufrage de son propre mariage avec Danièle Gégauff (qui – il faut le préciser – n'est pas celle qui le poignardera le soir de Noël 1983) dans Une Partie de plaisir de Chabrol (leur dernière collaboration, si l'on excepte Les Magiciens en 1976). En dehors de sa personnalité d'anarchiste de droite (sans intérêt, peu importe ce qu'il en est dit dernièrement), pour celui qui déclara « Je ne me suis jamais intéressé à rien, je n’ai jamais rien fait, du moins rien qui vaille, avant le cinéma », Le Reflux est un film honnête.

Vincent Poli


Cote de rareté : 5/5. Le film est dernièrement passé deux fois, lors de la rétrospective organisée par le CNC 58-68 : retour sur une génération – vers un nouveau cinéma français au Centre Wallonie-Bruxelles de Paris (du 10 au 20 décembre 2013), puis le vendredi 21 novembre 2014 au Festival International du Film d'Amiens, dans le cadre de la rétrospective L'œuvre unique, aux côtés de Les Jeux de la Comtesse Dolingen de Gratz, Schizophrenia, Rites d'amour et de mort...
Sinon, le film est ici.


1: 58-68, retour sur une génération : vers un nouveau cinéma français, Centre national du cinéma et de l'image (CNC), Laurent Bismuth, Eric Le Roy (dir.), Paris 2013.

mardi 29 novembre 2016

Sweet Degeneration (Lin Cheng-sheng, 1997)



Court texte pour parler du troisième film de Lin Cheng-sheng, pur produit du cinéma taïwanais des années 90. Le film met en scène Lee Kang-sheng (acteur fétiche de Tsai Ming Liang mais aussi réalisateur à ses heures) dans le rôle de Chuen-sheng, récemment réformé et qui, plutôt que de consommer les retrouvailles avec sa famille, va préférer voler l'argent de son vieux père pour aller errer dans le Taipei des prostitués, hôtels miteux et bars jazz-rock. Chueng-sheng joue lui-même du saxophone mais, lorsqu'il pénètre dans les bars, ne peut que rester figé face aux petits rois de la nuit locale. C'est d'abord depuis l'un des tabourets du bar qu'il observe, puis c'est sans argent qu'il regarde à travers la vitre depuis l'extérieur, debout sous la pluie. Ce personnage qui ne peut s'ancrer que dans la dérive semble aussi (surtout?) vouloir éviter sa sœur Ah Fen (Chen Shiang-chyi, vue dans le grand film d'Edward Yang, Confucian Confusion) qui elle de son côté a perdu son portable. Portable justement ramassé par Meili, prostituée que fréquente Chuen-sheng. Au sein du triangle affectif tracé par les ondes téléphoniques, le portable ne sert pas à la dénonciation de l'incommunicabilité contemporaine mais au contraire devient créateur de lien : les deux femmes entretiennent rapidement une liaison téléphonique, échangeant petits secrets et rêves brisés. Des confessions d'Ah Fen s'élève lentement le fantôme d'un désir incestueux entre le frère et la sœur.











Comme si joués à pile ou face, les plans de Lin Cheng-sheng seront avalés ou bien par la nuit, ou bien par la pluie. Parfois les deux. Dans les appartements visités par la caméra (tous extrêmement réels, trop-plein de signifiants, ce qui prouve qu'on est pas chez Tsai Ming Liang), une lumière maladive peine à s'émanciper de la minuscule zone qu'elle est sensée couvrir : un bureau, un aquarium... Tout semble s'entasser pour laisser peu de place aux êtres humains qui se contorsionnent à l'intérieur du cadre. Chez le père, c'est sur chaque face de la maison que s'affiche le poids des traditions (photos, porte-bonheurs et maximes confucianistes collés aux portes). Chuen-sheng déguerpit de chez lui pour se retrouver face aux murs vides (pas vraiment blancs, plutôt sales) des hôtels miteux, mais c'est en réalité d'altitude dont il a besoin. Pour prendre du recul sur le vide, se mettre à écouter le lien invisible mais organique qui l'unit à sa sœur, fébrile dans un espace autre. Face aux lointaines lumières de la ville, il improvise avec ses lèvres un solo de saxophone, instrument dont il ne jouera jamais, sinon face à un employeur désintéressé. 


Le film de Lin Cheng-sheng peut s'avérer éprouvant, cultivant un certain autisme chez ses personnages et leurs relations aux autres. Mais c'est peut-être le prix à payer pour que le film finisse par se libérer – discrètement seulement. Les retrouvailles entre frère et sœur, si elles sont attisées par les confessions téléphoniques, ne peuvent que déboucher sur du vide. Chuen-sheng revoit Ah Fen pour lui annoncer qu'il va se marier avec cette prostituée qu'il vient de rencontrer. Probablement un mal nécéssaire pour Ah Fen qui alors disparaît, sa famille sur ses traces. Sur une plage, elle observe un jeune garçon avec, à l'arrière, un couple qui pourrait tout autant être elle-même et son frère. Momentanément, les espaces mentaux de Ah Fen et Chuen-sheng se rejoignent effectivement, cohabitent, mais l'enfant au premier plan a disparu. Dans la mémoire d'Ah Fen, un impératif de mouvement a remplacé l'immobilisme de la fièvre sensuelle. 

Vincent Poli


Cote de rareté : 5/5. Le film est sorti en France le 4 novembre 1998. DVD taïwanais sous-titré chinois traditionnel uniquement. Si vous voulez me faire un cadeau c'est par ici.
Après ses premiers films devant autant à Tsai Ming Liang qu'à Hou Hsiao Hsien, Lin Cheng-sheng a réalisé en 1999 March of Hapinness, fresque historique tournant autour des émeutes du 28 février 1947. A voir !

mardi 22 novembre 2016

A love letter to : Kinuyo Tanaka

Pour reprendre ce qui a été dit le samedi 12 novembre 2016, à l'occasion de la projection de Love Letter à la Maison de la Culture du Japon à Paris.


Love Letter est la première réalisation de celle qui fut l'une des plus grandes actrices japonaises. Si l'on voit Kinuyo Tanaka dans le premier talkie japonais (Mon amie et mon épouse, 1931, de Heinosuke Gosho) et que son dernier coup d'éclat aura lieu plus de quarante ans plus tard (Sandakan n°8 de Kei Kumai, 1974, film qui pêche par son académisme mais vaut surtout pour la performance de Tanaka en vieille karayuki-san, un euphémisme désignant les jeunes filles pauvres enlevées ou vendues pour devenir prostituées en Asie du Sud, jusque dans la première moitié du XXème siècle), elle aura entre temps rayonné chez tous les grands réalisateurs japonais : Kurosawa, Ozu, Naruse (La mère, 1952), Kinoshita (La Ballade de Narayama, 1958, première version à des années lumières de celle réalisée par Imamura), Ichikawa, sans oublier Hiroshi Shimizu (il offre à Tanaka un rôle principal dans son sixième film, dès 1924), avec qui elle fut mariée un court instant (un an après le mariage, Tanaka retourne vivre chez sa mère et ne se remariera plus). A ces plus de 150 rôles s'ajoute sa collaboration avec Kenji Mizoguchi sur une quinzaine de films, peut-être le premier à lui donner des rôles complexes à la hauteur de son talent.


Avec Yoshikata Yoda et Kenji Mizoguchi, 1953.

Le goût de Tanaka pour l'indépendance se manifeste dès 1949 : elle démissionne de la Nikkatsu pour se rediriger vers les nouveaux studios indépendants (elle n'oubliait pas qu'en 1939 elle avait dû refuser à contre-coeur le rôle principal du Conte des chrysanthèmes tardifs, du fait d'un emploi du temps trop chargé), elle obtient alors ses plus beaux rôles chez Mizoguchi. Mais son passage à la réalisation en 1953 est mal vu par certains, Mizoguchi en premier lieu qui déclarera qu'une actrice n'a sa place que devant la caméra. Il reniera Tanaka et tentera même de saboter son deuxième film en s'opposant à une décision de la Guilde des réalisateurs japonais favorable à Tanaka. Heureusement, le très beau The Moon Has Risen, sur un un vieux scénario de Yasujirô Ozu et Ryôsuke Saitô, a survécu à ses déboires (tournage mouvementé : un conflit opposant la Sochiku et la Daiei à propos des acteurs fut aussi à l'origine d'une grève de la Guilde). Il subsiste des traces témoignant de l'attitude de Mizoguchi envers ses collaborateurs et notamment Kinuyo Tanaka (voir Cahiers du Cinéma n°158, août- septembre 1964 : entretien avec Tanaka), et l'on peut imaginer la jalousie alliée à un certain sentiment de perte de contrôle à l'origine de cette étrange et triste scission. De son côté, la presse japonaise parlera de « l'amour inavoué » de Mizoguchi pour Tanaka. Quoi qu'il en soit, Kinuyo Tanaka apparaîtra encore deux fois chez Mizoguchi, l'année suivant la réalisation de Love Letter (en 1954, donc) : dans L'Intendant Sansho (où Tanaka joue une mère kidnappée et forcée dans la prostitution, mutilée et qui finit aveugle...) et Une femme dont on parle


Love Letter

Le statut de « première femme réalisatrice japonaise » est parfois revendiqué à propos de Kinuyo Tanaka. Historiquement, la palme reviendrait logiquement à Tazuko Sakane, qui ne réalisa qu'un seul long-métrage (New Clothing, 1939, perdu), sous l'aile de... Mizoguchi (à la suite de l'échec de son film, Sakana fut malmenée par l'industrie cinématographique japonaise, Mizoguchi avait-il peur de voir se renouveler le même incident?). On la retrouve pendant la guerre réalisatrice de documentaires de propagande en Mandchourie. Si une palme doit donc revenir à Kinuyo Tanaka, c'est celle de la première réalisatrice japonaise auteure d'une œuvre étendue et cohérente, avec six films réalisés au sein des studios, en compagnie d'acteurs et autres collaborateurs de talent (pour Love Letter : Masayaki Mori et Yoshiko Kuga, Keisuke Kinoshita au scénario, Ichirō Saitō compose la musique).


Love Letter

En 1953, l'âge d'or des studios bat son plein ; les réalisateurs profitent, entre autres, de la fin de la censure imposée par l'occupant américain à partir de 1945. Les japonais filmés par Kinuyo Tanaka ne semblent survivre que par la débrouille et autres plans B, dans une société où les antécédents scolaires et militaires de chacun ont perdu de leur valeur. C'est donc un Japon blessé mais aussi bourgeonnant, une ode légère et amère à l'ingéniosité de ce peuple practical (mot qui revient souvent dans les sous-titres), et la caméra de Tanaka est autant attirée par les échoppes fourmillantes que par les trains qui percent régulièrement l'horizon. Le héros même (Masayaki Mori), alors qu'il cherche inlassablement du regard la femme qu'il a aimée avant la guerre (Yoshiko Kuga), semble quelque peu fasciné par cette ville qu'il absorbe (le bourgeonnement de Tokyo nourrit ses rêves de retrouvailles) et qui va bientôt elle-même l'absorber, le retenir. Si ce profond engouement ne cache pas totalement les cicatrices de la guerre encore à vifs, Tanaka opère pourtant une peinture de la société japonaise moins dure que celle que l'on trouvera chez Naruse deux ans plus tard dans Nuages flottants (toujours avec Masayaki Mori et sur un thème parfois semblable).

The Moon Has Risen

Comment un pays peut-il revivre après la guerre ? Comment opérer soi-même cette renaissance ? Réponse, par l'amour. L'amour qui va articuler les deux parties du film. Un amour qui, chez Tanaka, serait synonyme de responsabilités. Dans ce film sans personnage mauvais, c'est le héros qui fait problème. Il mobilise toute son énergie mais ne peut l'exploiter, engoncé qu'il est dans ses préceptes d'un Japon en guerre. Et lorsqu'il retrouve celle qu'il aimait, mais découvre qu'elle a depuis eu un amant américain ainsi qu'un enfant de lui (tous les deux décédés), il ne peut que s'enfermer dans une spirale de refus et d'espoirs déçus. Le conflit dans Love Letter n'est pas latent, il est toujours à la surface du plan, comme lorsque les personnages joués par Mori et Kuga se retrouvent mais que déjà pointe la peur (notamment de décevoir l'autre) dans leurs regards et que la caméra se réfugie dans un flash-back, semblant vouloir fuir la rupture à venir. 

Eternal Breast

La question du féminisme est logiquement évoquée à propos de Kinuyo Tanaka, ce qui ne serait pas étonnant rien qu'en prenant en compte ses rôles chez Mizoguchi et son statut de première femme réalisatrice. Mais le sujet est évidemment plus complexe, et notamment au regard du cinéma de l'époque. Love Letter ne se détourne pas d'un schéma classique où le héros masculin tient le rôle principal. On remarquera même que Kuga met un certain temps à apparaître, même si elle est évoquée par bribes dans la première partie du film. Mais Tanaka/Kinoshita ont la bonne idée de faire du film le parcours « idéologique » de Mori, quand Kuga, même si elle ressent de la honte (quant à son statut d'ex-femme d'un américain), n'est pas là pour se faire pardonner. Les quelques séquences qui traitent de son retour à la « vie normale » ne mettent pas tant en valeur le fait qu'elle fasse des efforts, mais simplement soulignent sa bonté et son sérieux en amour, c'est-à-dire le sens des responsabilités que n'a pas Mori, cloîtré chez lui et même ignoré par le film pendant un court moment (punition méritée). Dans le Historical Dictionary of Japanese Cinema, sont reprochés à Tanaka son inconstance et son manque de profondeur dans sa dénonciation des injustices causées aux femmes. C'est peut-être passer trop rapidement sur le statut de Tanaka au sein du système exclusivement masculin du cinéma japonais des années 50 et fantasmer sur son réel pouvoir de décision. En ce qui concerne Love Letter, si certains personnages affirment le courage de ces femmes qui n'ont pas choisi leur destin (et notamment une prostituée jouée par Kinuyo Tanaka), le rôle de Kuga n'est effectivement pas des plus revendicatifs. C'est plutôt par le montage et ses regards qu'elle affirme son mépris pour les remontrances qu'on lui fait, et ne répond pas aux remarques de Mori ou même de son frère, personnage se voulant plus « compréhensif » ou libéral mais qui épuise aussi ses limites à la fin du film (en osant demander à Kuga s'il est vrai qu'elle n'a eu qu'un seul amant américain). Le regard que lui renvoie Kuga ne fait que symboliser l'impasse à laquelle mène un tel mode de pensée : il n'y a rien à attendre du regard des hommes. En même temps, il manifeste aussi le désir simple que ses mots soient pris pour vérité.


The Wandering Princess

Les personnages féminins de Tanaka se veulent moins tragiques que ceux proposés par Mizoguchi. Chez Tanaka et comme dans certains Naruse (bon exemple : Quand une femme monte l'escalier, 1960, avec Hideko Takamine, autre grande actrice et qui d'ailleurs joue la petite sœur de Kinuyo Tanaka dans Les Sœurs Munekata de Ozu, 1950), la femme se définit d'elle-même comme un personnage complexe, refusant le statut de simple victime, mais qui pour cela doit constamment justifier son statut social au regard des autres, en même temps qu'elle lutte pour sa survie dans un Japon brutal. Le troisième film de Tanaka (après The Moon Has Risen), Eternal Breast (aussi de 1955), est son film le plus radical sur la question féminine. Ecrit par Sumie Tanaka (grande scénariste des années 50 qui travailla beaucoup avec Kinuyo Tanaka (aucun lien de parenté) et Mikio Naruse), le film nous montre une mère de deux enfants, pauvre, qui divorce de son mari infidèle au début du film. C'est l'occasion pour elle de se consacrer de nouveau à la poésie, sa passion quasi-secrète. Elle est malheureusement atteinte d'un cancer et perdra un sein (magnifique scène où, pleine de rage et pour contrer la pitié qu'on lui assène, elle dévoile sa poitrine torturée, à moitié dissimulée par les vapeurs du sauna). Le film la suit jusqu'à sa mort, alors qu'un journaliste de Tokyo tombe amoureux d'elle à travers la lecture de ses poèmes. Cinq ans plus tard, en 1960, elle réalise The Wandering Princess, film sur Pujie, le frère du dernier empereur chinois (Pu Yi), et sa femme japonaise Hiro Saga, séparés par la Seconde Guerre mondiale et le militarisme japonais. Le couple sera finalement réuni en 1961 grâce à l'intervention de Zhou Enlai (!). Girls of The Night (1961) traite des femmes arrêtées pour prostitution et envoyées en centre de redressement, à la fin des années 50. Le film suit Kuniko, une jeune femme qui sort du centre et tente de reconstruire sa vie. Le dernier film de Kinuyo Tanaka (et son deuxième en couleur, après The Wandering Princess), Love Under The Crucifix (1962) est un film d'époque : au XVIè siècle, le christianisme est banni du Japon et Ogin (Ineko Arima) se voit abandonner par l'amour de sa vie, Ukon (Tatsuya Nakadai), un seigneur chrétien de plus déjà marié. Le contexte historique est bien sûr un prétexte pour aborder les thèmes chers à Tanaka. Après ça, Tanaka apparaîtra principalement en tant qu'actrice à la télévision.

Ce texte se veut une simple introduction à l'oeuvre de Kinuyo Tanaka. Difficile aussi de dire s'il existe en japonais des travaux de référence sur son travail de réalisation. On se demandera néanmoins pourquoi les films de Tanaka sont-ils si durs à voir aujourd'hui ? Sauf erreur, pas de DVD (sinon un DVD japonais pour Love Letter), des projections rares (trois à la Maison de la Culture du Japon à Paris, rétrospectives incomplètes au Japon). Grâce aux internautes, les six films de Tanaka sont trouvables sur internet, en qualité moyenne ou bonne, mais deux films n'ont toujours pas de sous-titres : The Wandering Princess et Girls of The Night). A suivre, donc.


Vincent Poli


Girls of The Night

Kinuyo Tanaka réalisatrice, les dates :

1949 : Kinuyo Tanaka effectue un séjour de trois mois à Hollywood où elle assiste aux tournages, rencontre les artistes... A son retour, scandale : on l'accuse de s'être « américanisée » (sa façon de s'habiller, se maquiller et même de bouger). Plus tard elle dira : « Pendant mon séjour aux Etats-Unis, j'ai entendu dire qu'une des grandes vedettes hollywoodiennes allait mettre en scène son propre film. Alors, pourquoi pas moi ? »
1953 : Kinuyo Tanaka est assistante sur le Frère et sœur de Mikio Naruse.
1953 : Love Letter (Koibumi 恋文)
1955 : The Moon Has Risen (Tsuki wa noborinu 月は上りぬ)
1955 : Eternal Breast (Chibusa yo eien nare 乳房よ永遠なれ)
1960 : The Wandering Princess (Ruten no Ouhi 流転の王妃)
1961 : Girls of The Night (Onna bakari no yoru 女ばかりの夜 )
1962 : Love Under The Crucifix (Ogin sama お吟さま)

On trouvera une « longue » (4 pages) biographie de Kinuyo Tanaka dans la modeste plaquette Hommage à Kinuyo Tanaka, Hiroko Govaers/Cinémathèque française (Avec le concours de la Fondation du Japon, Kawakita Memorial Film Institute), 1989, 22p (en réserve à la Bifi). Étrangement, les films de Tanaka y sont tous désignés comme étant des films en couleur.

Cote de rareté : 10/5

Love Under The Crucifix

vendredi 26 août 2016

Uma Rapariga no Verão (Vítor Gonçalves, 1986)

  

    Il n’est pas étonnant que Uma Rapariga no Verão, ou A Girl in Summer, soit aujourd’hui un film quasi-oublié. De même que pour Okaeri, dont je parlais il y a exactement un an, il s’agit d’un film probablement trop sensible pour son époque, une œuvre sans le sou (réalisé avec le budget d’un moyen-métrage) et qui, surtout, ne se débarrasse jamais totalement de son manteau de mystère. C’est aussi un film qui, à l’instar de ses personnages, parfois trébuche. Malgré cela, le premier film de Gonçalves se maintient debout sans l’aide de personne, réfutant même les idées d’éphémérité que pourrait drainer son titre.

    Des adolescents déjà adultes vivent une fin d’été. Isabel (Isabel Galhardo) ne sait plus où elle en est avec son petit ami Diogo, son père (les deux hommes collaborent à la radio, le premier enregistre les textes du second, histoires aux sonorités de l’aventure et de la science-fiction), sa soeur, ses études… Si Isabel peut parfois se raccrocher à cet été qui couve déjà l’automne, se chauffer aux rayons de soleil qui englobent les arbres comme eux-mêmes encerclent la maison paternelle, il lui demeure impossible d’ignorer la constellation de problèmes concrets qui l’enserre. A peine esquissés par le film, les urgences que constitue le besoin de trouver un travail, un appartement, réussir ses examens… façonnent pourtant la scission entre Isabel et son monde. Il y a, surtout, le sentiment de devoir toujours attendre le feu vert des autres, en particulier Diogo. Au cours de cette dernière semaine de vacances, les pâturages perdent leur saveur d’antan et la déambulation a laissé place à l’angoisse de l’attente. Là où elle se rend, Isabel est à la recherche d’une chose qui ne ferait sens que pour elle, un environnement lisible uniquement par elle. Mais c’est la sécheresse  qui domine.
    

    Ce n’est pas juste la fin d’un amour qui guette Isabel et Diogo (quel amour, en fait ?), mais quelque chose de plus sinueux. Les deux amants sont contaminés par un malaise rampant qui s’étend au monde entier. Nés trop tôt ou bien trop tard, ces deux vieux adolescents de la fin des années 80 pourraient bien porter sur leurs épaules une décennie 70 déjà obscurcie par ses idéaux avortés. Pour conter cette angoisse lancinante qui encerclerait Lisbonne et la campagne, le 16mm nocturne prend le risque d’inverser la temporalité et l’on a peur de rester figé tout jamais. Dans le studio de radio résonnent des histoires fantastiques, berceaux d’un monde alternatif dont la porte d’entrée demeurerait invisible. Mais la serrure en serait de toute façon rouillée; les thèmes coloniaux comme ces histoires du futur semblent déjà périmés, Diogo ne veut plus enregistrer tandis que le père d’Isabel ne désire plus écrire. 

    Tout cela est loin de signifier l’abandon général; Gonçalves ménage dans son récit des accélérations surprenantes, et permet à Isabel de s’emparer de n’importe quelle excuse pour fuir sa situation (prendre la main du dragueur local comme devenir employée de bureau). Si la techno en discothèque est froide, si elle peut inquiéter, la musique d’Andrew Poppy (The Beating of Wings) au contraire pousse les personnages vers l’avant, leur dégringole dessus, les harcèle presque. Dans ses travellings arrière, ses entrées de champ, A Girl in Summer effleure alors un certain romantisme américain. Ce pourrait être un film d’espionnage et d’aventure à la fois : il faut agir au plus vite car le monde est en danger, il s’écroule ou alors un météore le vise (on pense à Mauvais Sang). Et puis il y a ce vrombissement d’avion qui vient plusieurs fois obscurcir les dialogues énoncés par les personnages, une présence du hors-cadre qui paradoxalement les empêche d’expliciter leurs rêves de lointain — Macau ou l’Afrique — avant que de ce lointain ne surgisse un chasseur à la gueule de bois, ou l’Histoire confrontée à sa réalité coloniale. On est chez Monteiro autant que chez Zucca.

     Un autre rapprochement entre A Girl in Summer et Okaeri : de même qu’il s’agissait de la seule apparition à l’écran de Miho Uemura, Isabel Galhardo semble elle aussi avoir disparu dans les limbes du cinéma. Au contraire, on retrouvera les acteurs masculins chez Oliveira, Monteiro, Ruiz, etc. Presque une évidence, à l’égale de la sensibilité du film qui, comme son héroïne, refuse de décider. Une fille en été, mais la nuit, donc.

Vincent Poli




Note de rareté : 3/5. En 2013, Vítor Gonçalves a réalisé son deuxième film, The Invisible Life, ce qui permit la relative redécouverte de A Girl in Summer. Le film est désormais visible sur Youtube. Aucun DVD.

samedi 30 avril 2016

Seafood (Zhu Wen, 2001)


Seafood est le premier film de Zhu Wen. Anciennement ouvrier ingénieur, reconverti écrivain au début des années 90, son travail littéraire l'amène à collaborer avec les réalisateurs indépendants de la sixième génération. On retrouve son nom au générique du Seventeen Years (1999) de Zhang Yuan, mais il écrit surtout le scénario du meilleur film de Zhang Ming (et peut-être le meilleur film de cette génération, si l'on excepte l’œuvre de Jia Zhang-ke), Rain Clouds over Wushan (1996). Zhu Wen réalise Seafood au tout début des années 2000, époque charnière où le cinéma indépendant reste interdit dans son propre pays mais qui voit aussi une transition s'opérer, grâce aux festivals internationaux (Suzhou River date de 2000), grâce au Parti qui va bientôt commencer à faire de l’œil à ces jeunes réalisateurs connus à l'étranger. Zhu Wen aurait pu se contenter d'enfoncer cette porte ouverte, Seafood est pourtant tout ce qu'il y a de plus radical et désespéré : tourné en cachette à la caméra DV et dans des zones quasi-désertes, Seafood est plus un témoignage de la méthode guérilla de Wu Wenguang (qui est d'ailleurs cité au générique en tant que « préparateur ») qu'un « beau film indépendant » réalisé dans le respect de la censure chinoise. C'est, en somme, le film d'un voyou, tourné au mépris des règles de l'art et n'hésitant pas à montrer la Chine dans ce qu'elle a de plus sombre. 

Xiaomei, une jeune prostituée de Pékin, se rend dans un hôtel situé en bord de mer afin de s'y suicider. Alors qu'elle vient tout juste d'arriver, c'est son voisin de chambre, un jeune poète fauché, qui passe à l'acte. Un policier se met alors à tourner autour de Xiaomei. Sous prétexte de vouloir la protéger d'elle-même, il la viole, l’emmène au restaurant pour (à chaque fois) manger des fruits de mer, l'empêche de quitter la ville et l'incite même à aller faire du shopping... Homme banal, tour à tour lèche-bottes puis agresseur, ce pervers n'ayant que les mots « logique » et « raison » à la bouche est un symbole du paternalisme étatique chinois et probablement le personnage le plus foncièrement dégueulasse du cinéma de l'époque. Il faudra peut-être attendre le The Bride de Zhang Ming pour palper d'encore plus près le sordide du commun. 



Seafood tire sa force de ses paysages plus glacés qu'enneigés : la ville de Beidaihe (traditionnellement le palais d'été des hauts membres du Parti) semble se figer progressivement tandis que la mer, alors même qu'elle rassasie quotidiennement le flic (selon lui, manger des fruits de mer augmenterait les capacités sexuelles, et chaque huître aurait un goût différent selon le restaurant, de même que « chaque fille a un goût différent »), ne nous est offerte qu'au tout début du film, comme une image volée et amenée à disparaître. Dans les zones traversées (un pont, un lac gelé, et toujours des restaurants vides), n'errent que des personnages à demi-fous, fantômes du nouveau millénaire (l'histoire se déroule quelques jours avant le nouvel an chinois) : une vieille femme ramassée au bord de la route prétend qu'on lui a volé un sac rempli d'argent... avant d'avouer qu'il s'agit de faux billets destinés à être brûlés sur les tombes : « même de cela, on en a pas assez ». La Chine de Zhu Wen apparaît comme un territoire sans carte, terrain de jeu infini pour tout réalisateur souhaitant cracher à la face du monde. Les êtres que l'on aperçoit au loin ou sur le bord de la route semblent engourdis par le froid et cette fausse platitude des choses qui les entoure, on devine que si le réalisateur avait improvisé une scène de meurtre en pleine rue, sans doute que personne n'aurait réagi.
 
Dans la dernière partie du film, Xiaomei sort de sa léthargie. Elle retourne à Pékin et le film paraît un instant devenir un documentaire attendu sur les conditions de vie des prostitués. Pourtant, l'une des xiaojie a mal au ventre : on l'emmène chez le gynécologue qui extrait de son vagin un billet de 100 kuai. Billet qui se révèle d'ailleurs être un faux. Les deux jeunes femmes passent alors la journée à essayer de refourguer ce billet, toujours rattrapées au dernier moment. Dans leur sillon, ce sont les rues anonymes de la Chine qui se déploient puis se referment ; les passages souterrains qui concentrent les revendeurs, les échoppes, les restaurants comme les hôpitaux, tout paraît se fondre dans le même maelstrom agité, les murs gris comme le ciel. A l'arrière-plan du film se déroule un rouleau sans fin, celui qui palpite encore et toujours dans l'ombre de cette Chine nouvelle puissance mondiale. 

Vincent Poli 



Cote de rareté : 5/5. Le film était invisible depuis son passage dans les festivals internationaux (2001-2002), le réalisateur lui-même souhaitant la disparition du film (peut-être est-ce parce que Zhu Wen a par la suite réalisé un film approuvé par le Parti). Un VHS-rip est finalement apparu sur internet au début de l'année 2016, au grand plaisir des cinéphiles chinois. Sous-titres anglais. 


mercredi 9 mars 2016

Pierre ou les ambiguïtés (Leos Carax, 1999)


Pierre ou les ambiguïtés, ou le film qui donna naissance à ce blog. Un film relativement récent mais déjà marqué par la disparition tragique de ses deux acteurs principaux. Et pourtant, un film rare : version télévisuelle de POLA X, diffusé une fois sur Arte (les trois épisodes à la suite et à 22h30, soit tout le contraire de ce que désirait Carax), puis à la Cinémathèque de Chaillot en 2004 lors d'une rétrospective (croyait-on alors Carax perdu à jamais?). Depuis, une séance annulée, au Jeu de Paume, il y a quelques années. Il ne reste aujourd'hui du film qu'une copie BETA, assez laide lorsque projetée sur grand écran, qui croupit probablement dans les archives d'Arte (Arte qui ne montra pas non plus le film lors de sa semi-rétrospective Carax en septembre 2014). 

Il aura donc fallut attendre cette rétrospective consacrée à Sharunas Bartas pour enfin voir le Saint Graal. Cette version du film découpe l'intrigue de POLA X en 3 épisodes mais comporte aussi plus de 20 minutes d'images inédites ; si Pierre... semble au final « inférieur » à la version cinéma, ce n'est pas vraiment une surprise. Mais le passage de Pierre à Pola a le mérite de rendre compte du talent de Carax (et du co-scénariste Jean-Pol Fargeau), qui a su affiner sa série de presque trois heures pour en tirer un film plus brut, plus mystérieux aussi. Pour l'anecdote, le roman de Melville lui aussi sortit dans deux éditions différentes. La version la plus longue (et plus cynique), se voulait une réponse aux critiques formulées contre Moby Dick, et comportait donc des nouveaux chapitres consacrés à la critique littéraire (en dépit de la vie isolée qu'il mena, Melville sut garder une plume extrêmement alerte, et même Moby Dick fut intégralement repensé et réécrit en quelques semaines). Il nous semble toutefois qu'au suicide littéraire de Melville n'aurait pas du succéder celui de Carax, tant le film avait de quoi capter directement son public, tant Carax met à nu les faiblesses de ses personnages, éloigné au moins pour un temps de l'arrogance qui a pu caractériser son cinéma. Mais l'histoire de cet échec est une autre histoire.


Avec ses 20 à 30 minutes de plus, Pierre ou les ambiguïtés se permet de développer un peu plus l'intrigue, notamment en laissant une plus grande part aux séquences de rêves : après le générique de début (les images d'explosion), Pierre retrouve Marie dans un champ d'où l'on peut voir une grande fumée s'élever au loin (ce qui explicite l'idée, que je me souviens d'avoir lu quelque part, que ces bombes viennent ouvrir les tombes et se faire lever les morts) ; un rêve où Marie avoue à Pierre qu'il y a bien eu un autre enfant dans la maison (séquence qui, même si rêvée, enlève une part de mystère au film, comme lorsque la Isabelle du roman fait s'élever une guitare dans les airs : point limite où la magie nous apparaît peut-être trop directement) ; Pierre confronté à une gigantesque baleine (séquence surréaliste qui, comme la précédente, a un peu vieillie) ; enfin, subsiste la séquence de la rivière de sang, présente aussi dans POLA X. Ces séquences justifiaient à priori la vision de la version télé. On se rend compte au final que l'intérêt est tout ailleurs. Ou plutôt qu'il n'est pas  : si la séquence de la baleine est de trop, c'est parce que POLA X est un film qui rayonne par ses aspérités, c'est Pierre qui regarde au fond d'un puits mais ne voit rien. Ce ne sont pas seulement des séquences entières coupées, ce sont aussi (et surtout) des plans, souvent très beaux, qui sont raccourcis dans POLA X : il en est ainsi des retrouvailles de Pierre et Thibault (le plan autour du flipper). Enfin, de nombreux plans qui servaient principalement à l'organisation logique du récit disparaissent (Pierre qui demande le code de l'appartement de Thibault, Isabelle qui demande où sont passées Razerka et la gamine, Thibault qui aperçoit Pierre à la télévision...). C'est un fait que Pierre ou les ambiguïtés est un film extrêmement structuré mais qui tourne autour d'un vide primordial (le mystère Isabelle/la croyance de Pierre). Sur le plan narratologique, POLA X vise frontalement à l'économie de moyen. Le film trouve une vitesse secrète qui lui permet de s'unir aux désirs de Pierre. En conséquence, le développement de la relation qui unit Pierre et sa sœur est aussi fortement raccourci : Carax tente d'évacuer totalement l'idée d'une relation incestueuse qui se développerait au jour le jour. Dans Pierre..., les deux amants se rapprochent lentement : d'abord un baiser, puis un lit partagé... Au contraire dans POLA X, tout n'est qu'une suite de chocs et les habitudes formées par le temps qui passe n'ont pas leur place ; c'est à peine si l'on voit nos héros prendre les transports lorsqu'ils changent de domicile. Et des vrais chocs physiques, il y en a, eux qui scandent les errances de Pierre : accident de moto, gaz du chauffeur de taxi, la petite fille giflée à mort... Plus globalement, ce procédé d'épuration reproduit le conflit présent au sein-même du film : le rapport de l'artiste à la poésie, le rapport de Pierre à son nouveau roman, « bouillie délirante et qui de plus sent le plagiat ». Ce conflit, c'est celui de Carax, ancien jeune premier, après le scandale financier des Amants du Pont Neuf. C'est Carax qui a presque 40 ans lorsqu'il réalise POLA X et qui, je crois, sent venir quelque chose, pas de la maturité, mais peut-être l'espoir de pouvoir se redresser en se cachant derrière le scénario touffu de POLA X, film romanesque, classique dans ses lignes apparentes. Carax, qui s'est déjà plaint de ne pas avoir eu une « carrière de réalisateur », avait alors le regard tourné vers les maîtres américains, ces indestructibles, plutôt que vers Garrel ou Godard. Et POLA X, par rapport à Pierre et les ambiguïtés, c'est Carax qui a conscience de ses effets poétiques parfois forcés, de cette beauté des choses qu'il souligne parfois trop longuement, mais qui font la sincérité de ses films. Ainsi, les films de Leos Carax, terriblement « nouveaux » à leur sortie, prennent vite de l'âge (ce n'est pas un défaut) : un réalisateur qui doit agir dans l'urgence, a comme vous conscience du passage du temps et de ses conséquences, mais ne peut que recourir à une seule et unique méthode – celle qui est la bonne tout de suite et maintenant, pas plus tard (tant pis pour plus tard). Alors, Carax réalise, puis Carax supprime. Il faut dire qu'au niveau du budget, si l'on est loin des Amants du Pont Neuf, POLA X est aussi très loin d'être un film pauvre. A la manière de Melville qui fait toujours exploser les rails non pas du récit mais de la tonalité – il y a ainsi plusieurs façons de passer « d'un sujet à l'autre » (voir Le Grand escroc) - , POLA X s'ouvre, après les images d'archive, sur une caméra aérienne qui monte lentement vers une des fenêtre du château de Pierre, traversant les jets d'eau et faisant s'envoler les oiseaux. Débauche d'effets et richesse visuelle étalée qui semblent signifier que Pierre/POLA X appartient bel et bien à l'industrie cinématographique : quelque chose de lourd et cher. Les Amants... était un véritable ratage économique, pas la volonté de Carax, mais cette fois Leos semble nous dire : « regardez-moi, je vais faire un vrai film cette fois... et vous en aurez pour votre argent » , et le film de multiplier les lieux et les ambiances, sans jamais céder au minimalisme (voir les scènes de guérilla avec dans le cadre des dizaines de figurants ainsi que des animaux...) : noirceur et ironie du film sont ailleurs. La scène où Pierre est sur un plateau télé sonne comme une excursion punitive exécutée par un autre régime esthétique dans celui plus poétique de Leos Carax. Le réalisateur joue double-jeu. Il cohabite.


Carax qui semble se cacher donc, derrière le roman, derrière Depardieu et Deneuve et qui, pour la version cinéma, va pourtant tailler dans la chair de son récit. Paradoxalement, c'est en épurant certaines des parties les plus foncièrement « poétiques » du film que Carax va participer à faire mieux apparaître les ambiguïtés. Dans la version cinéma, tout s'écoule d'une façon plus abrupte et mystérieuse, et rien n'arrive deux fois. Les personnages ne se cherchent pas ni n'échangent : ils se heurtent entre eux, disparaissent et réapparaissent. Ils sont dès le départ comme sous l'emprise du personnage interprété par Sharunas Bartas (il faudrait revoir le film à l'envers...). Carax, en voulant se cacher encore plus, ne fait que se dévoiler : il met en exergue l'opposition entre les gros blocs narratifs qui composent le film et les zones d'ombres qui le peuplent. Le mouvement du film, c'est celui d'une coulée de lave (images de volcan dans Pierre...), on part d'en haut (séquence avec Lucie en haut de la colline, ou à cheval dans la forêt – Melville, dans ses carnets, témoigne de ce besoin de toujours s'élever) pour venir s'écraser dans Paris puis dans une zone industrielle, déjà hors du monde, avec sa cohorte de cerbères et mort-vivants, et ce pont à traverser pour rejoindre les vivants. Dans cette marche forcée vers la mort, c'est tout l'illogisme, ou plutôt la folie conjuguée de Pierre et Isabelle, qui prend le premier rôle. POLA X est un film sur la croyance d'un auteur envers ses œuvres. Pierre est sûr de lui, tout comme il est sûr d'Isabelle. C'est le doute qui mettra fin à leur histoire, ce doute qui est placé à la fin du film au lieu d'apparaître au début. Revoyez tout la première partie du film : Pierre a déjà vu Isabelle, en rêve, mais aussi « en vrai », elle fouillait dans les poubelles de la maison. Mais tout cela nous ne le voyons pas, c'est par la bouche de Lucie (puis de Marie) que nous l'apprenons. Il est, dès le début, contaminé, déjà à la recherche de ce visage mystérieux (voyez quand il embrasse Lucie à travers son pull : elle est déjà autre). Dans la séquence sur la colline, la douce lumière qui entoure les amants, dès lors que Pierre s'énerve contre Lucie, ne semble plus qu'être dégobillée par le ciel, orange dégueulasse qui vient vieillir le regard apeuré de Lucie, la chemise blanche de Pierre..., et qui d'autre que Laurent Lucas pour jouer ce « frère » si bon et qui pourtant semble si menaçant ? Il y a quelque chose qui traîne dans sa voix et non dans ses mots, dans son regard aussi. A mesure que la ligne idyllique donnée par le film se dissout, les mots sonnent comme des uppercuts. Mots et coups physiques se valent dans POLA X, ils font tout autant trembler l'image (elle trébuche). Même un cri (entendu à travers une vitre), n'a qu'un faible écho face à la puissance de quelques mots chuchotés. Car très vite, il s'agit de se taire. Si Pierre cherche à cracher sa haine au visage du monde, c'est pourtant un silence tacite qui l'unit à Isabelle puis Lucie, celui du secret. Isabelle se jette à l'eau dès lors que la parole commence à se délier et ce sont les mots de Thibault (non filmés, car l'image n'aurait pu en assumer la force) qui obligent le film à se clore. 

Pour Carax, l'important n'est pas d'avoir raison ou tort mais bien de croire. Peut-être se met-il plus que jamais à nu lorsqu'il décide de confronter son héros à tous les doutes, tous les dangers. Tapi dans l'ombre (Isabelle qui se reflète dans le mouvement d'une voiture, c'est Carax qui filme), c'est avec les yeux de l'amour qu'il observe Pierre et le désire. Il feint de se moquer de son héros mais jalouse avant tout sa pureté. Qu'ils aient tort ou raison, les deux artistes font malédiction commune.

Vincent Poli



Cote de rareté : 6/5. Rendez-vous dans quinze ans pour une nouvelle projection.

jeudi 18 février 2016

Déjà s'envole la fleur maigre (Paul Meyer, 1960)


En 1950, René Vautier détournait la commande du ministère de l'éducation afin de  réaliser Afrique 50, considéré comme le premier pamphlet cinématographique anti-colonialiste. Paul Meyer usera de la même ruse en 1959 lorsqu'il recevra une commande du ministère de l'éducation belge pour la réalisation d'un court-métrage de propagande sur l'intégration des enfants immigrés au sein du Borinage. Rendu sur place, Meyer se rend très vite compte que la situation est loin d'être idyllique. Les mines, en plus d'être meurtrières pour les ouvriers belges, français, italiens,... sont aussi en perte de vitesse et acculent toute une population au chômage. Dans cette région sans espoir, un écho parti du haut d'un terril ne porte que ces trois mots : « Borinage, charbonnage, chômage ». Avec, en toile de fond, les murs que dressent entre eux ces hommes aux langages différents, et la domination des riches sur les pauvres, comme partout ailleurs.
S'emparer de ce maigre budget de base pour réaliser un long-métrage poétique et social, voilà une tâche face à laquelle Meyer n'hésita pas, lui qui avait lutté en Espagne aux côtés des anarchistes (Orwell, rencontré à Barcelone, lui conseillera de s'enfuir), lui qui avait dû égorger au couteau pour survivre (il s'en cachait).
Déjà s'envole la fleur maigre tire son titre d'un vers de Salvatore Quasimodo. Comme le poème, qui apparaît dans le générique, le film se déploie lentement mais par salves. Ce n'est pas un film d'agit-prop comme La Grande lutte des mineurs (Louis Daquin/Collectif CGT), dont Afrique 50 reprend des plans ; le film de Meyer se rapproche franchement du néo-réalisme italien en conservant ce paradoxe d'un film qui sait prendre son temps face à une situation qui demande tant à ce que l'on intervienne, que l'on se révolte. Le début du film voit un ouvrier sicilien errer en ville. Avec quatre jours de chômage par semaine, il n'a d'autre occupations que de s'adosser aux barrières pour écouter la fanfare locale et rêver à son retour au pays. En même temps, il se rappelle les humiliations de 39 lorsqu'on l'a chassé de Marseille, où il était docker. Un ouvrier doublement déraciné qui espère rentrer en Sicile mais peut-être n'en a même pas la force. Le soir, c'est une famille sicilienne qui arrive au Borinage par train, afin de rejoindre le père qui vit ici. Dans la nuit noire (la lumière, compte tenu des conditions de tournage, est peut-être l'aspect le plus impressionnant du film de Meyer), les enfants qui jouent sur la place se détachent de la pénombre comme des lucioles autour d'un arbre. On les fait déguerpir, ils ne tardent pas à revenir. La seule face visible du Borinage, alors, c'est cette sorte d'entraide entre les familles émigrées. Mais déjà tout s'étiole : le chômage est là, comme partout, la maison vétuste, la mère avait rêvé «d'être mieux ici que là-bas », mais c'est peine perdue. Pourquoi avoir amené les enfants ici, alors même que les mines commencent à fermer, pourquoi leur apprendre un « métier de chômeur » ? C'est ce désespoir sous-jacent qui donne corps à la suite du film. Déjà s'envole la fleur maigre décrit minutieusement les petits moments du quotidien des différents protagonistes, des enfants qui passent leur temps à se lier d'amitié puis à s'exclure, au jeune homme qui cherche un travail de mineur ou simplement désire embrasser une belle fille belge lors d'un bal, en passant par la mère qui se remémore la Sicile... avec, toujours, le Borinage aride qui s'étend dans toutes les directions. A travers la fumée, la poussière, de terrils en terrils, ce sont quelques personnages renoiriens que l'on aperçoit errer chacun dans leur coin (handicapé, prêtre, mineur, vendeur de harengs...), avec, pour seule musique, une guimbarde solitaire. La fin du film, ce sont les mineurs qui rentrent chez eux, la suie sur leurs visages correspondant à ce retour à la nuit, la même qu'au début du film. A la fin de cette journée de travail, toutes les routes semblent converger vers un futur sans espoir, un futur qui toutefois ne peut qu'advenir parce qu'il y aura toujours des hommes qui fuiront une forme de pauvreté vers une autre, quitte à devoir se sacrifier dans la mine, pour la mine.
Paul Meyer, décédé il y a quelques années, fut pendant longtemps la bête noire du gouvernement belge et la dette entraînée par la réalisation de Déjà s'envole la fleur maigre le poursuivit pendant de longues années. Certains de ces films ont néanmoins subsisté : ainsi Klinkaart, court-métrage de 1957, et Ce pain quotidien (1962-1966), série télévisée en treize épisodes d'une heure, dont la dernière partie reproduit le trajet d'exil d'un immigré de l'Espagne à la France. Pour en savoir plus, louer une copie ou tout simplement lire une bien meilleure critique du film que la mienne : http://www.peripherie.asso.fr/paul-meyer-portraits-et-entretiens-ecrits-documents-publications-patrimoine .

Vincent Poli 
 

Cote de rareté : 4/5. Film projeté et présenté par Tangui Perron en février 2016 dans le cadre des 16e Journées cinématographiques dionysiennes. La copie affreuse qui circule sur internet ne rend pas hommage à la très belle photographie du film.

samedi 13 février 2016

La Fin des Pyrénnés (Jean-Pierre Lajournade, 1970)


Pierre Braunberger affirma, au cours de sa carrière longue et foisonnante, n'avoir travaillé qu'avec deux génies : Jean Renoir et Jean-Pierre Lajournade. Beaucoup se sont réclamés de Renoir, et son influence a été très remarquée auprès des cinéastes d'après-guerre. Mais peu (personne ?) ont vu leur talent mis à égalité avec celui du Patron. C'est pourtant le cas de Lajournade, figure estimée de l'underground en France, dont un certain nombre de films furent censurés, notamment un pour toxicité mentale (motif textuellement spécifié par les autorités). Jean-Pierre Lajournade est décédé trop tôt, trop jeune, et n'aura pu récidiver longtemps dans son entreprise d'un cinéma anarchiste, ses films restant tout simplement invisibles. D’anciens compagnons de route se souviennent, eux, Jean-Pierre Bastid et Jean-Pierre Bouyxou, et le Collectif Jeune Cinéma aussi s’est souvenu et a proposé, dans le cadre de la dernière édition du Festival des cinémas différents et expérimentaux de Paris, de sortir, le temps d’un soir, La Fin des Pyrénées de l’oubli. L’état de la copie 35 mm ne nous aura pas permis de profiter pleinement des couleurs de ce dernier film ; tant pis pour les conditions de visionnage, car c’était le film tout de même et les conditions celles auxquelles il faut parfois/souvent se plier pour enfin découvrir certaines œuvres. Ici le jeu en valait largement la chandelle.
Sans doute que Pierre Braunberger a senti que pour lui aussi accompagner ce jeune cinéaste en valait la chandelle. Producteur parmi les plus importants de l’époque, il décide, après les mouvements de contestations du mois de mai 1968, de produire un jeune gréviste militant venu de l’ORTF, là où Lajournade réalisa ses premières fictions que les pontes de la télévision jugèrent déplorables. Braunberger, lui, y vit un cinéaste virtuose, car c’était un vrai producteur, c’est-à-dire, quelqu’un qui a de clairvoyance non pas pour les affaires mais pour l’aventure, non pour la virtuosité d’une technique mais bien celle d’une expression. La Fin des Pyrénées exprime des idées et des sentiments par ses cadres et des suites d’actions plutôt que par une dramaturgie. Même si le récit est bien présent (la poursuite infernale de Thomas-accusé-du-meurtre-de-son-père-suicidé), ce qui compte c’est que ce récit donne l’impression d’être raconté par des plans et rien d’autre, et que ces plans donnent l’impression d’une vision sans équivalent dans le cinéma français. Il y a de longs travellings latéraux comme dans les films Zanzibar, un faux happy end est déguisé en fausse pub comme dans un détournement situationniste, le Christ descend nonchalamment de sa croix comme dans un film de Buñuel. On n’est pas loin de la somme d’un demi-siècle de propositions formelles surréalistes et contestataires. Un des meilleurs moments est peut-être le kidnapping de Malvina. Au sein d'un même plan, dans un panoramique gauche-droite, Thomas va faire la rencontre de celle qui deviendra sa bien-aimée (Malvina joue alors au criquet avec sa famille le long d’un cours d’eau), l’enlever en la portant dans ses bras et traverser le cours d’eau, tomber (accident ou chute préméditée ?), se relever trempé en récupérant la jeune femme, elle aussi trempée, pour enfin atteindre l’autre rive. Lajournade choisit de couper le plan après que, une fois de l’autre côté, les deux acteurs au loin se tournent vers la caméra et semblent faire signe à l’équipe de la fin de leur action. Destruction du spectacle. Pour se faire une idée du ton véhément et original du film et de la personnalité du réalisateur, on peut lire sur cineastes.net la critique violente que Lajournade fait de la science-fiction : logique imparable du discours, rejet de l’esthétique traditionnelle et célébration de formes artistiques nouvelles, maîtrise du vocabulaire marxiste-léniniste, rébellion sans concession des idées. Un ton qui ne s’interdit pas à l’humour, ce qu’on oublie souvent de reconnaître à cette famille de créateurs, intellectuels, objecteurs de conscience, etc. D’une drôlerie proche du burlesque, et donc très cinématographique, cette Fin s’habille d’une belle gamme de scènes amusantes. Le film reste dans les Pyrénées mais brasse aussi large que sa hauteur de vue, et s’avère extrêmement dur envers toutes les institutions, la police, l’État, l’usine mais aussi les parents, la psychiatrie, les syndicats, tant et si bien que rien ne semble avoir été oublié par ce beau et étrange réquisitoire qui s’apparente aussi à un roman d’apprentissage. Pour autant, il ne s’empêche pas d’être profondément touchant dans la violence des rapports sociaux, moraux ou affectifs entre les personnages, que ce soit les amants en fuite (engagement et responsabilité sociale au sein du couple), l’affrontement des différentes instances répressives (à la fin tout le monde semble manipuler tout le monde pour ses propres intérêts), la mise en jeu des parents face aux enfants, beaucoup vu au cinéma mais jamais de façon si radicale (monétarisation parentale, cri final déchirant de la mère durant l’état de siège « Descends les flics ! »)
Une des premières choses à laquelle on pense quand on a vu La Fin des Pyrénées c’est qu’on aimerait voir tous les autres films du cinéaste. Le mérite en revient aussi à Bastid et Bouyxou, présents en début de séance et qui ont largement introduit le travail de Lajournade. Le refus quasi systématique par l’ORTF de diffuser ses premières tentatives audiovisuelles et la marginalité des films qui suivirent (dont un brûlé par le producteur) expliquent sans doute en partie l’inattention pour le travail de Lajournade, mais c’est faire bien peu de cas d’au moins son admirable dernier film, le seul qui nous ait été donné de voir, du moins pour l’instant, espérons-le.

Alexandre Karavomitch     


Cote de rareté : 5/5. Film projeté le 10/10/2015 dans le cadre de la 17e édition du Festival des Cinémas Différents et Expérimentaux de Paris. Copie rosée. D'après nos espions, il existerait une copie numérique du film.