Fifi hurle... et c'est tout.
Un auteur de vaudeville refuse un
« Molière » et décide d'opérer des modifications
absurdes sur sa pièce qui pourtant, connaît alors un véritable
succès. Toute la première heure de Fifi Martingale se passe dans un
théâtre parisien et nous présente les répétitions de la pièce
revisitée, les acteurs arrivant au compte-gouttes. Si le film de
Rozier se déroule quasiment constamment sur une scène de théâtre,
il n'est pas pour autant un film renoirien, de même qu'il n'essaye
pas un seul instant d'être rivettien. Fifi Martingale serait plutôt
la version cauchemardesque d'un Biette axé sur le théâtre (Théâtre
des matières, Saltimbank) : le film tirerait sa saveur
des hors-jeux, des confrontations dans l'entre-deux.
Seulement ici, on a bien du mal à localiser ces zones d'intérêts
et le spectateur est véritablement assommé par ces répétitions d'une pièce
mauvaise à tous les niveaux. Et qui dit répétitions, dit mécanique
huilée, surtout ici puisque quasiment rien ne vient interrompre le travail
des acteurs. C'est-à-dire que tout est extrêmement « bien »
calculé et ne laisse place à aucune liberté, un comble pour le
cinéma de Rozier dont la grande force est de s'accrocher aux
surgissements de ses acteurs, comme un animal (Menez, visage de fouine) bondissant sur des
troncs flottants au milieu d'un fleuve au cours capricieux.
La deuxième heure
voit l'arrivée d'une première digression : on quitte la laideur du
théâtre pour quelques beaux plans sur le périphérique. L'espace
d'un instant, on espère suivre ces lumières floues au loin et
retrouver l'ambiance nocturne de Maine Océan. Peine perdue,
nos héros se retrouvent dans un casino, puis dans un autre théâtre
où ils rencontrent Luis Rego. A ce moment-là, on a déjà perdu le
fil de l'histoire (mené par les errances de Jean Lefebvre, terrible
acteur). Bien sûr, Rozier explore quelques grands thèmes familiers
(la mythomanie, la parole et son débordement...), mais comment
s'agripper à ces fils éparses lorsque l'écrin est aussi
poussiéreux ? Qu'est-ce qui semble réellement
intéresser Rozier au final ? Simplement, filmer son actrice et
compagne à la ville, Lili Vanderfeld. Cette dernière étale sur
l'écran ses airs de vieille gamine, de bourgeoise fofolle, et ne
cesse en fait d'irriter le spectateur. Le reste du temps, le film
s'enfonce dans des gags d'un autre âge : la mauvaise prononciation
des mots étrangers (« niou âge », calzone devient
caleçon, etc) ou encore Jean Lefebvre, le roublard théâtral, se
disputant avec un chauffeur de taxi, type banal mais africain au fort
accent (d'où le gag...).
Dans les dernières séquences, la
troupe joue finalement la pièce devant public et, bien sûr, tout ne
se passe pas comme prévu. Rozier monte alors en parallèle de la
représentation chaotique, des plans sur un public de petits vieux
hilares. Il ne s'agit pas là d'acteurs, et le rire est vrai. Le
problème est que ce rire n'est bien sûr pas consécutif aux plans
que l'on vient de voir. N'est-il pas honteux pour le cinéma de
Rozier de se livrer à ce genre de raccourci à seule fin d'atteindre
ce pathétique « naturel », cette glorification boiteuse
des belles valeurs (voir les plans, paternalistes, sur le public qui
ne rit pas encore mais qui, les yeux brillants, se passionne pour
l'histoire qui se joue devant lui) ? Lui qui justement travaillait
inlassablement le matériau brut que sont les acteurs, les soumettant
dans la durée au joug de la caméra (ce qui n'interdisait pas non
plus le montage!). L'important était que nous sentions la montée du
visible à l'invisible, comme une drogue qui irait de nos veines
jusqu'au cerveau. Dans la plus belle scène de Du Côté d'Orouët,
l'alcool que Bernard Menez ingurgitait, empoisonnait tout autant
l'image et venait s'injecter dans nos yeux. Ici, l'image demeure
plate, comme un rideau de théâtre qu'on ne pourrait ouvrir.
Le plus dommage dans tout ça est que
le film ne semble pas souffrir d'un problème particulier, excepté
sa longueur (deux heures) puisque Rozier voulait en supprimer au
moins une demi-heure. Si le film est ingrat, il est pourtant maîtrisé
de bout en bout. Fifi Martingale est bien le film que Rozier désirait.
Vincent Poli
Cote de rareté : 3,5/5
Le film est trouvable uniquement sur
internet. Présenté en 2001, il n'a jamais été distribué. Depuis,
Rozier a subit un autre échec : le tournage interrompu du Perroquet
bleu en 2007. L'intégralité de l'œuvre de Rozier existe
toujours (nombreux court-métrages, documentaires), puisqu'elle a été présentée lors d'une rétrospective
au Centre Pompidou en 2001.
CE FILM EST INTROUVABLE SUR LE NET
RépondreSupprimersi si...
Supprimeroui... je l'ai trouvé mais vu la critique du film... je regrette un tant soit peu de l'avoir trouvé...
SupprimerComment trouver ce film sur internet ?
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