Pour ce court-métrage, troisième
partie d'une série sur le thème de l'érotisme, Melvin van Peebles part sur les rails stables mais déjà
terriblement abîmés du film blaxploitation. Si Peebles a participé
(involontairement?) à la création du genre avec Sweet
Sweetback's Baadasssss Song (1971), il en a aussi exposé les
limites : accumulation à l'extrême des clichés, vision
manichéenne du pouvoir blanc oppressant la minorité noire
(situation qui d'ailleurs se renverse à la fin des films...), etc.
Une vision au final très éloignée de la subtilité des films de
Charles Burnett, deux réalisateurs qu'on range pourtant dans la même
case, l'histoire du « cinéma noir américain» attendant toujours d'être écrite. Pourtant, si le cinéma de Peebles marque les esprits,
c'est par sa folie anarchique et psychédélique. Pour rappel, le
héros de Sweetback réalise des performances sexuelles devant
public, tabasse des policiers et impressionne tout un gang de bikers
grâce à la taille imposante de son sexe, échangeant même sa
libération contre une partie de jambe en l'air avec la chef du
groupe.
Pour autant, nous n'irons pas jusqu'à nier la
filiation de Vrooom Vroom Vroooom au registre blaxploitation,
déjà terriblement daté en 1995. Il faut dire que ces films, destinés
premièrement à la communauté noire, ne présentent plus ces personnages séducteurs en vendetta contre l’autorité (type Shaft,
1971), mais aussi n'intéressent plus la cinéphilie mondiale, car déconnectés de l'idéologie 70's qui fit partie
intégrante du genre.
Dans une bourgade américaine, un jeune mécano nommé Leroy se voit quelque peu
rejeté par les autres garçons, ces derniers possédant argent et
petite amie. Un jour, alors qu'ils festoient à bord d'un camion (!)
lancé à tout berzingue, ils manquent d'écraser une vieille femme
errante. Cette dernière est sauvée in extremis par notre jeune
héros et se révèle être une magicienne. Elle lui promet qu'elle
exaucera ses deux vœux les plus chers sans que Leroy ait le temps
de les formuler. Le soir même, il découvre une superbe moto qui lui
est destinée, et part alors sur les routes de campagne. Le véhicule
s'avérera alors être aussi une magnifique femme noire à la peau
brillante, exauçant alors le deuxième vœu de Leroy.
Esthétiquement, le film est déstabilisant, versant premièrement
dans une image chaude, où l'on voit tous les personnages danser sous
le soleil de l'après-midi (la bande-son est affreuse). Cela évoque
une blaxploitation datée, passéiste ou alors trop propre (on pense
à l'image de Nightjohn (1996), film de Burnett produit par
Disney). En même temps, le déluge d'effets imbibe l'image et
l'alcoolise presque, nous saoulant et nous plaçant dans la
fournaise des corps : le talent et la folie de Peebles sont bien
là.
C'est pourtant lors des virées
nocturnes que le film se révèle vraiment. La caméra se tenait
auparavant en équilibre précaire sur les rails d'un genre
désaffecté, elle laisse maintenant place à une nuit américaine de
studio qui magnifie cet engin qui perçant l'obscurité, détaillant un
décor en carton pâte minimaliste (plusieurs fois la vision
lointaine d'une petite éolienne, viendra signifier l'arrivée du
matin et le retour au foyer). L'extase se dédouble lorsque les
différentes parties de la photo deviennent celle d'une femme
recouverte d'une sueur tendre (les pots d’échappement viennent
enlacer le héros!). N'existe plus que les regards amoureux et la
nuit au loin. On peut penser aux scènes de conduite hallucinées
dans le Twixt de Coppola (2012). Mais s'il fallait chercher
une véritable affiliation, il ne serait pas étonnant d'apprendre
que Vrooom Vroom Vroooom a inspiré le clip pour Bound 2
de Kanye West !
Flanqué d'un certain mauvais goût, le
film s'en sort grâce à ces scènes fantasmées et à une
accumulation d'effets de montage complexes, qui frisent l'overdose
mais maintiennent le film dans un flow tout particulier : Melvin
Van Peebles est en roue libre et c'est assez appréciable. Son cinéma
est la preuve d'un geste créatif toujours présent mais qui ne se
prend pas forcément au sérieux. Il est devenu lui-même un
stéréotype blaxploitation : le vieux roublard, poète et
pervers.
Toujours partagé entre de nombreuses occupations (on aimerait jeter
une oreille sur son album de 2012 Nahh... Nahh Mofo,
le titre est parfait), il n'aura jamais cherché à s'imposer
comme un grand réalisateur et c'est tant mieux. En 2008 il disait :
« I make films like I make food: if you don’t like it,
I’ll just be eating it all week for leftovers ». C'était
pour la présentation de Confessionsofa Ex-Doofus-ItchyFooted
Mutha (!), un film réjouissant, fait de brics et de brocs et,
pour le coup, complètement invisible depuis ces quelques
projections.
Sûrement que Melvin van Peebles s'en
fiche.
Vincent Poli
Vincent Poli
Cote de rareté : 3/5. Uniquement trouvable sur internet, en bonne qualité cependant.
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